[Avis] – Road 96: Mile 0

Cet avis est rédigé à partir d’un code PS4 fourni par Plaion

Le test a été rédigé après avoir joué 12 heures et obtenu 100% des trophées.

  • Développé par DigixArt et édité par Ravenscourt
  • Sortie le 4 avril 2023 sur PS4/5, XBox One et séries X/S, Switch et PC
  • Prix : 12,99 €

Les studios français, au sein des indépendants, ont le vent en poupe ces dernières années, démontrant un talent pour transmettre des émotions mais aussi s’émanciper de certains codes en osant prendre des risques. DigixArt en fait partie, son créateur Yoan Fanise fondant le studio après une première collaboration avec Ubisoft pour Soldats inconnus. 11-11 Memories Retold, mené conjointement avec Aardman Animation (le studio derrière Wallace et Gromit, entre autres) a fini de placer DigixArt sous la lumière des projecteurs. Un titre que je vous conseille d’approcher que ce soit pour son visuel inspiré de l’impressionnisme ou son propos aussi bouleversant que juste sur les conséquences de la guerre sur les populations.

En 2021, DigixArt sort Road 96, un road trip où plusieurs adolescents tâchent de fuir une dictature pour traverser la frontière, espérant trouver le bonheur de l’autre côté. Malgré les cinq Pégases que le jeu a remporté, je n’ai toujours pas approché le jeu, me promettant de m’y lancer cette année. L’annonce de Road 96: Mile 0 a retardé cette résolution puisqu’il est un préquel à Road 96. Autant donc commencer l’histoire depuis ses origines.

Alors que Road 96 proposait un format narratif avec une génération procédurale des rencontres menées par le joueur, Mile 0 s’oriente vers le jeu de rythme. Un choix qui n’est pas sans rappeler Lost in Harmony, le premier titre sorti sous le label DigixArt. Le choix est encore moins anodin lorsque l’on remarque que Kaito, héros de Lost in Harmony, est aussi un des personnages principaux de Mile 0. Le second n’est autre que Zoé, l’une des protagonistes de Road 96.

Toutes les routes mènent à Pietra

Nul besoin d’avoir joué à Road 96 pour profiter de cette préquelle qui se présente même comme une fabuleuse introduction à la licence. Moult clins d’œils sont présents pour les voyageurs aguerris mais sans laisser de côté les nouveaux venus tels que moi, ce qui est toujours un effort fort appréciable.

Zoé et Kaito se retrouvent au sein de leur planque, véritable capharnaüm composé d’un vieux divan et d’éléments de décorations « trouvés » au sein de White Sands, ville enclavée. Au sens propre du terme puisque les entrées sont contrôlées. La population elle-même se divise en deux catégories : les résidents et les travailleurs. Les premiers vivent au sein des villas de Oasis, et autres quartiers réservés à la crème de la société. Les travailleurs sont regroupés dans les immeubles des dortoirs, payés une misère et traités que comme de la main d’œuvre.

Zoé et Kaito représentent toute la dualité de la cité. L’adolescente n’est autre que la fille du Ministre du Pétrole, haute figure politique servant de bras droit au président Tyrak. Si vous trouvez que son nom sonne presque comme « tyran », ne vous inquiétez pas, c’est normal. Loin de concevoir l’archétype de la fille à papa choyée dans son cocon, DigixArt apporte de la nuance à Zoé. Ses relations avec son père sont tendus, non seulement via la fibre rebelle qui s’éveille à l’adolescence mais aussi suite aux traumatismes de 1986. Une attaque terroriste, menée par les Brigades Noires, est survenue en occasionnant nombre de morts et Zoé en est une des survivantes, mais non sans conséquence. La jeune fille souffre de stress post-traumatique, incapable de se rappeler les faits sans subir une crise de panique. Kaito, lui, vient de Colton City, une ville rongée par l’exploitation pétrolière de Pietra. A tel point que le jeune homme a perdu sa petite amie, Anya, emportée par un cancer. Fuyant la pollution et la misère, Kaito et ses parents sont devenus des travailleurs de White Sands, vivotant au jour le jour.

Malgré leurs multiples différences, Kaito et Zoé se sont rapprochés et l’on perçoit très vite la profondeur de l’amitié qui les lie. Leurs échanges sous-entendent nombre de petits méfaits commis en duo, d’heures passées au sein de leur planque à refaire le monde à coups de tags, musiques et parcours en skate et rollers. Pourtant, un doute finit par s’installer. Alors que le jeu nous fait incarner Zoé, on assiste à quelques propos et actes de Kaito qui interpellent. Comme son échange avec un homme alors que ce dernier se trouve de l’autre côté du portail enfermant la ville.

Tout en découvrant White Sands via ses quartiers comme Oasis, la place principale ou encore le parc, Zoé va enquêter sur Kaito et essayer de déceler ce que trame son meilleur ami. Impossible de ne pas percevoir tout ce que la ville a de dystopique, DigixArt ne lésinant pas sur les propos tenus par les PNJs, ni sur les scènes que l’on peut croiser. Il n’y a qu’à voir la terreur d’une travailleuse en pleine pause cigarette à notre approche, la déférence des travailleurs qui donnent du « Madame Zoé » avec crainte… Sans compter les affiches multiples couvrant les murs, motivant les habitants à signaler tout manquement au règlement, ou encore celles affichant le portrait du président dans des teintes qui rappellent des affiches de propagandes.

Libre à vous de vous ranger dans le droit chemin dicté par la politique intérieure de la ville ou d’amener Zoé à douter de tout cela. Les affiches peuvent être déchirées, taguées, certains propos tenus auprès des PNJs… Vos actes susciteront des réactions de la part des passants mais aussi des communications officielles qui pourront annoncer de fortes répressions envers ceux détruisant le mobilier commun. Des petits éléments qui viennent apporter de la vie à la ville, mais aussi font d’autant plus peser cette impression d’une cité codifiée et étroitement surveillée. J’ai été surpris d’être flashé par une caméra alors que je m’adonnais à quelques tags.

D’ailleurs, cela m’a procuré une étrange sensation de sillonner les rues d’une cité en pleine dictature avec des scènes qui évoquent certains faits actuels. Sans entrer dans les détails, sachez que vous aurez affaire à un interrogatoire de la police, avec quelques actes de violence autour de vous. C’est assez déroutant tant certains échanges sont, malheureusement, réalistes.

Je mentionne Zoé depuis le début mais Mile 0 va vous faire alterner entre les deux protagonistes. Kaito possède sa propre barre de moralité oscillant entre doute et pulsion révolutionnaire. Ces changements permettent de percevoir l’intrigue sous deux facettes différentes, mais aussi l’univers dans son ensemble. La dichotomie bien et mal est d’ailleurs plus nuancée que ce que l’on pourrait croire de prime abord. Mile 0 parle d’une période charnière de la vie où l’innocence de l’enfance s’étiole mais, surtout, de politique abusive et de la mainmise des puissants sur les biens censés être communs.

Si, durant le récit, vos choix moraux n’ont qu’une très légère influence sur vos échanges verbaux, ils prendront tout leur sens lors de l’ultime chapitre. Certaines options seront automatiquement bloqués du fait de votre alignement. Il vous restera un choix crucial à opérer que je ne dévoilerais évidemment pas, mais qui rend les dernières minutes d’autant plus intenses. L’échange entre Zoé et Kaito m’a particulièrement plu dans sa dynamique, ne prenant parti ni pour l’un ni pour l’autre, laissant le joueur décider par lui-même. Pour avoir visualisé trois des fins possibles, elles sont tout aussi intenses l’une que l’autre.

Road trip musical

Qu’en est-il des passages musicaux ? Au nombre de dix, ils viennent émailler la progression du duo que ce soit pour des égarements aussi futiles que rafraichissants que des épisodes charniers où tout peut basculer. Certaines chansons sont d’ailleurs sujettes à des choix moraux, amenant le joueur à choisir certaines portions de parcours. Niveau OST, Mile 0 gâte que ce soit en termes de qualité ou de variété. Quelques têtes connues font un petit coucou tels que The Offspring, The Midnight ou encore une interprétation de Bella Ciao (popularisée par la série El Casa Del Papel). Des compositions originales viennent s’y ajouter sans dénaturer au sein de l’ensemble très varié : electro, rock, heavy metal… L’ensemble fleure les productions des années 90, ce qui n’est guère étonnant vu que l’histoire se déroule en 1996.

Surtout chaque chanson s’accorde avec l’instant clé du récit, de même que le parcours rythmique. Zoé et Kaito évoluent dans un décor en lien avec le moment qu’ils traversent. Mondes séparés souligne parfaitement leur duo avec chacun évoluant dans sa propre portion du monde : White Sands pour Zoé et ses couleurs éclatantes, Colton City et sa misère terne pour Kaito. Le chant partisan de Tyrak (Dix ans de plus) reprend tous les codes visuels des affiches de propagandes : aplats rouges et noirs, lignes droites, soldats aux visages sévères. Autant dire que des compositions dérivant des élucubrations des personnages permettent d’apporter un peu de douceur dans tout cela. Amour à sens unique invoque l’électro et tout un visuel de l’époque, des néons roses à perte de vue avec même le coucher de soleil au fond. Je me suis aussi surpris à être emporté aussi bien par la musique que la composition du parcours, comme ce fut le cas avec L’attentat de 86.

En termes de gameplay pour les passages en jeu de rythme, DigixArt vise simplicité et efficacité. Certaines pistes sont propres à un personnage, d’autres permettent d’alterner entre les deux. Il vous faudra suivre le parcours en sautant et esquivant les obstacles au bon moment. Parfois il faudra choisir entre plusieurs voies à l’aide de grinds ou via des choix moraux. Malgré l’absence d’options de difficulté, le titre reste abordable tout en faisant monter peu à peu sa difficulté que ce soit via la rapidité des morceaux ou certains passages réclamant de bien connaître la chanson. La progression se fait d’ailleurs en rythme avec la musique, ce qui n’est pas toujours le cas dans ce type de gameplay.

Des sensations de vibration viennent accompagner la musique, apportant un plus non négligeable en termes de sensations. L’aspect jeu de rythme n’est nullement négligé, bien au contraire.

Si jamais vous avez du mal pour suivre le rythme, au bout de quelques erreurs, le jeu vous propose de passer au point de progression suivant. Ce qui permet à chacun de profiter de Mile 0 pour sa narration. Si vous êtes là pour les sessions de jeu de rythme, sachez qu’il est possible de relancer chaque piste depuis le menu principal pour améliorer votre score. J’aurais bien aimé pouvoir écouter les chansons en dehors des sessions de jeu via un petit répertoire recensant les pistes musicales. Il est toujours possible, en collectant les cassettes, de les écouter via quelques spots présents en ville.

Si l’ensemble du jeu ne souffre d’aucun bug que ce soit ralentissement ou clipping, j’ai quand même eu droit à quelques défauts sur l’ultime chanson. Parfois mon personnage ne voulait pas sauter ou restait suspendu dans les airs. Cela n’est arrivé que quelquefois heureusement et il est possible qu’un patch day one corrige cela. On sent aussi que le titre est adapté avant tout au format PC. Le curseur est parfois un brin rigide pour les choix d’options de dialogues et les fenêtres de menu ne se ferment pas en appuyant sur rond mais en cliquant sur l’onglet « fermer ».

Le visuel de Mile 0 m’a paru un brin particulier au début, sûrement du fait du cel shading. Mais l’impression s’est très vite envolée tant l’écriture présente un univers qui tient sur ses fondations, habité par des personnages humains, ou volontairement caricaturaux pour en faire de véritables satires. Je pense notamment à Sonya, la journaliste qui mène sa chaîne d’infos avec les atours d’un show-biz à l’américaine. La star ne semble se nourrir que de champagne, se croit au-dessus de tout le monde. C’est si extrême que ça en est drôle, mais aussi angoissant tant Sonya représente si bien les chaines d’information détenues par des partis politiques.

Je pense que ce point sera déjà décrié mais non Road 96: Mile 0 ne propose pas de doublage français, mais anglais. Rappelons que DigixArt est un studio indépendant et que proposer un doublage seulement français peut bloquer le marché. Mais le titre reste entièrement sous-titré en français, avec des options pour agrandir le texte pour plus de confort. Concernant la durée de vie, comptez entre 5 et 8 heures, bien plus si vous cherchez à maximiser votre score sur les chansons. Au prix de 12,99 €, vu la durée de vie, je trouve clairement le titre peu cher et accessible aux petits budgets, surtout si vous recherchez un jeu qui propose aussi bien du fun que de la réflexion.

Aparté sur les trophées

Point de platine pour Road 96: Mile 0 mais un 100% qui va à l’essentiel. En dehors des quatre trophées liés à l’histoire, vous devrez atteindre le score S+ sur chaque chanson et retrouver toutes les cassettes audio. Concernant les chansons, ce n’est qu’à force d’essayer encore et encore que vous atteindrez le score. Toute l’astuce réside à ne pas mourir (ou vraiment à la toute fin) pour ne pas briser le combo et ramasser un maximum de pastilles pour gonfler votre score. S’il existe d’autres objets à collecter tels que les bonbonnes de peinture et les autocollants, seules les cassettes sont requises pour un trophée. Une fouille approfondie des différentes zones permet de les dénicher sans trop de difficulté. Surtout deux d’entre elles dépendent du choix final que vous allez opérer ce qui amène à réaliser deux fois le jeu, permettant aussi de découvrir d’autres facettes du final.

Un guide est disponible sur le blog pour vous aider à décrocher 100% des trophées.

En résumé

Road 96: Mile 0 m’intriguait par son concept. Je pensais l’apprécier mais pas avec autant d’intensité. En l’espace d’une poignée d’heures, Pietra a su distiller son malaise de dystopie glaciale, détenue par un despote. Zoé et Kaito savent être touchants, leurs choix compréhensibles, leur amitié bouleversante. DigixArt a su me donner encore plus envie de m’essayer à Road 96 que je pense d’autant plus apprécier grâce à cette préquelle. Si vous n’avez jamais approché la licence, je vous conseille de débuter par cet épisode. Mile 0 me rappelle pourquoi j’aime tant les jeux narratifs : pour les émotions qui s’en dégagent et l’écriture qui croque aussi bien des personnages attachants qu’un univers intriguant. L’ajout du jeu de rythme musical pourra plaire à une part du public trouvant les narratifs trop « plats ».

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